L’eau, notre bien le plus précieux, est aussi parmi les plus menacés. Alors que la France dispose d’un patrimoine exceptionnel en la matière, les pouvoirs publics manquent encore à ce jour de volonté face aux dangers qui menacent cette ressource capitale : pollution, pénurie, gaspillage… Au-delà d’être une synthèse de la situation de l’« eau française », cette étude se veut proposer des pistes programmatiques.
Le cycle naturel de l’eau en France
De par sa pluviométrie, son relief (grandes montagnes ), son réseau hydrographique étendu et ses importantes nappes souterraines, la France dispose d’une capacité de stockage de l’eau douce élevée. En 2004, le volume moyen annuel pluviométrique sur le sol national s’est élevé à 440 milliards de mètres cubes. Il se répartit comme suit :- 61 % évaporation
- 16 % alimentation des cours d’eau
- 23 % infiltration des sols pour recharge des nappes souterraines.
Etat des zones humides (2010)
Sur 152 zones étudiées (129 en métropole et 23 en outre-mer ) :- 85 % rendent un service majeur à l’homme : fourniture d’eau, prévention des inondations, tourisme, loisirs… ;
- 52 % se dégradent fortement ou partiellement, 28 % restent stables ;
- 14 % s’améliorent
Artificialisation des espaces naturels
Entre 2000 et 2006, près de 87000 hectares ont été artificialisés en France métropolitaine, au détriment de l’agriculture (environ 76000 hectares de prairies incluses) mais aussi des forêts, milieux naturels et zones humides (10500 hectares). En moyenne, les espaces artificialisés progressent de 3 %. Cependant, les terres arables et les cultures permanentes sont responsables de 12 % des pertes de terrain sur les milieux naturels. Depuis les années 1990, la progression moyenne des terres artificialisées est d’un peu plus de 60000 hectares par an.Continuité écologique des cours d’eau
En 2014, 68 136 obstacles ont été répertoriés sur les 120000 estimés en France métropolitaine (base de données ONEMA). Seuls 31 % ont un usage identifié, 13 % n’ont aucun usage avéré et la situation est inconnue pour 53 %. Quand ils sont avérés, les usages sont variés : hydroélectricité, irrigation, loisirs, aquaculture, mise en sécurité des berges… Certains bassins versants concentrent un très grand nombre d’obstacles au kilomètre carré :- Rhin supérieur et l’Ill (429)
- Rhône moyen (277)
- Haut Rhône (247)
- Saône (212)
- Amont de la Loire (157)
- Côte aquitaine (34)
- Corse (30)
L’eau et le changement climatique
Un réchauffement s’accompagnerait d’une augmentation de l’évapotranspiration potentielle. L’évolution des cumuls pluviométriques serait plus contrastée de manière spatiale et selon les saisons (forte diminution en été/automne et légère hausse au printemps). La situation des eaux souterraines dépend si les nappes sont libres ou captives. A l’échelle de la France, les ressources en eau souterraine devraient diminuer à l’horizon 2070 (simulation mathématique Explore 2070) :- scénario optimiste entre +10 % et – 30 %
- scénario pessimiste entre – 20 % et – 55 %
Géographie nationale de l’eau française
- 6500 aquifères
- 5 fleuves
- 6 bassins hydrographiques
Les réservoirs
Répartition des masses d’eau en 2007 : 11523 masses d’eau de surface, dont :- 10 824 masses d’eau de « cours d’eau » ;
- 439 masses d’eau de « plan d’eau » ;
- 96 masses d’eau de transition ;
- 164 masses d’eau côtières ;
- 574 masses d’eau souterraine
- 96 % des captages prélèvent 66 % des volumes en eau souterraine ;
- 4 % des captages prélèvent 34 % des volumes en eau de surface (SISE-Eaux)
Les prélèvements
Le volume prélevé (consommation brute) en France métropolitaine pour satisfaire les activités humaines était en 2004 de 34 de milliards de mètres cubes :- 81 % en eaux superficielles ;
- 19 % en eaux souterraines
- 78 % en eaux superficielles ;
- 22 % en eaux souterraines en 2010
Le secteur énergétique
Les prélèvements s’effectuent à 99,9 % en eaux superficielles, et sont restitués à 93 % dans le milieu. Avec 22 milliards de mètres cubes en 2010, c’est le plus gros préleveur d’eau (66 % du secteur industriel dont 99 % destinés au refroidissement des centrales thermiques et nucléaires) et une eau qui ressort plus chaude dans le milieu. Une étude a démontré que les émissions d’une centrale ont un impact majeur sur la dégradation de la qualité des écosystèmes (de 3 à 90 %). C’est ce que l’on appelle la pollution thermique. L’industrie nucléaire représente pour sa part un risque technologique majeur. C’est ce que l’on appelle la pollution radioactive. En France, l’hydroélectricité représente 12 % de la production électrique, derrière l’industrie nucléaire. Plus de 2000 installations permettent cette production. Si l’énergie ne se stocke pas, les retenues d’eau sont rapidement mobilisables pour produire en grande quantité contrairement au vent ou à la lumière. Mais les barrages sont des obstacles pour les poissons migrateurs et au transport de sédiments. Ils modifient également le régime des cours d’eau, ce qui a pour conséquence le réchauffement des eaux, le développement des bactéries et des algues et la réduction de l’oxygénation provoquant l’eutrophisation du milieu (phénomène de distrophisation, comme évoqué plus haut). Le secteur de production d’énergie est responsable de 0,8 % des rejets industriels de polluants dans l’eau en 2009.Le secteur agricole
La proportion d’eau prélevée est de 60 % en eaux superficielles et de 40 % en eaux souterraines. Aujourd’hui, ce secteur absorbe plus de 70 % de l’eau consommée. Les plus forts prélèvements rapportés à la surface agricole cultivée ont lieu dans le sud de l’Hexagone, à la Martinique et à la Réunion. D’une situation de pénurie et de dépendance alimentaire au sortir de la Deuxième guerre mondiale, la France est passée à celle de première productrice de produits agricoles en Europe et deuxième exportatrice dans le monde. Le pays est le troisième utilisateur mondial de produits phytosanitaires et le premier européen. La France en consomme environ 100000 tonnes par an dont 90 % pour l’agriculture. En 2002, des substances actives ont été détectées dans 80 % des stations échantillonnées dans les eaux superficielles et 57 % dans les eaux souterraines. En 2011, la surface utilisée pour l’agriculture est d’environ 29 millions d’hectares (soit 54 % de la superficie de la France) dont 18,3 millions sont des terres arables. L’irrigation est le premier usage de ce secteur. Elle concerne majoritairement le maïs (50 % de la surface irriguée), le soja, les légumes, les vergers et la pomme de terre. Les pertes d’eau par fuite, infiltration, évaporation ou dérive sont responsables également du volume des prélèvements. Cette croissance n’a été possible que par la concentration et la spécialisation des exploitations, le remembrement et l’utilisation massive d’intrants. De manière générale, le secteur agricole est le principal responsable des pollutions des eaux superficielles et souterraines par les pesticides, nitrates, phosphates… Les produits vétérinaires, l’acidité nouvelle des pluies (résultant de l’élevage industriel), la distrophisation ou bien encore les métaux (conséquemment à l’épandage d’engrais ou de boues de stations d’épuration) causent également des pollutions complémentaires des eaux.Le marché du médicament vétérinaire
C’est plus de 300 médicaments à usage vétérinaire. En 2013, c’est 829 millions d’euros de chiffres d’affaire, dont 813 millons pour le marché du médicament, 1,5 milliard à l’exportation dont 700 millions pour l’Union européenne. La France est le premier pays en matière de recherche et de fabrication de médicaments et de réactifs pour :- 39% animaux domestiques
- 56% animaux de rente (bovins, porcins, ovins et caprins)
- 5% équins
- 301 millions de volailles ;
- 11,4 millions de chats ;
- 41 millions d’animaux de rente ;
- 7,4 millions de chiens ;
- 9 millions de lapins ;
- 800 000 chevaux
- vaccins 21%
- antiparasitaires 18%
- insecticides 11%
- antibiotiques 17%
- produits topiques 9%.
Le secteur industriel
L’industrie effectue 58 % de ses prélèvements dans les eaux de surface et 42 % dans les eaux souterraines peu sont rejetés. Les volumes prélevés les plus importants se situent dans les vallées du Rhin (Alsace), du Rhône, de la Basse Seine, en Lorraine et dans le Nord de la France. Depuis 2000, ces volumes diminuent en raison de la baisse des activités et de la mise en place de procédés plus économes en eau. L’industrie manufacturière est le plus important préleveur du secteur avec 1733 millions de mètres cubes en 2010. Depuis 2003, ses prélèvements ont baissé de 32 %. Les préleveurs sont, par ordre d’importance des volumes :- 42 % chimie/pharmacie (+ 6% des volumes prélevés) ;
- 16 % bois/papier/carton ;
- 15 % IAA (+ 3% des volumes prélevés) industrie agro alimentaire ;
- 27 % autres secteurs
Les rejets de polluants déclarés par l’industrie manufacturière
Entre 2004 et 2009, en moyenne dans l’industrie manufacturière les rejets les plus polluants sont :- les chlorures (1,4 million de tonnes) ;
- les matières en suspension (322000 tonnes) ;
- les sulfates (195000 tonnes) ;
- le fer, et ses composés (85000 tonnes) ;
- l’arsenic (2 tonnes) ;
- le cadmium (600 kilogrammes) ;
- le cyanure (200 kilogrammes)
Le secteur domestique
Les prélèvements pour la production d’eau potable se font à plus de 70 % dans les eaux souterraines. Les plus importants ont lieu dans les régions aux fortes populations permanentes ou saisonnières, et couvrent également les besoins des activités industrielles, artisanales ou de services raccordées aux réseaux collectifs d’eau potable. Près de 33500 captages utilisés pour l’alimentation en eau potable ont produit 19 millions de mètres cubes d’eau par jour en 2012. 66 % de ces captages (22500) bénéficient d’une protection avec Déclaration d’ utilité publique (DUP). Sur les 6,1 millions de mètres cubes destinés à la consommation domestique par an :- 99 % sont utilisés pour les usages domestiques ;
- 1 % comme boisson.
- 49 l bains et douche ;
- 8 l ménage ;
- 25 l WC ;
- 8 l arrosage des plantes ;
- 25 l linge ;
- 9 l préparation nourriture ;
- 12 l vaisselle ;
- 1 l boisson
Le marché des médicaments à usage humain
La France est le quatrième consommateur mondial de médicaments et le premier européen. On compte plus de 3000 médicaments à usage humain. En 2013, le chiffre d’affaires était de 26,8 milliards d’euros (prix fabricant) dont officines 20,6 milliards et hôpitaux 6,2 milliards d’euros ce qui représente un peu moins de 3,1 milliards de boîtes, en moyenne 48 boîtes par an par habitant. 2 800 substances actives différentes correspondants à plus de 11 000 spécialités. Une partie importante des médicaments n’est pas utilisée (30 à 70 %/ 19200 tonnes). Ils sont le plus souvent jetés à la poubelle (66 %), dans les égouts et les toilettes (12%), et seuls 22% seraient retournés au dispositif Cyclamed pour être incinérés. Les deux sources principales de rejets dans les milieux sont :- la consommation par la population ;
- les rejets d’usine de fabrication ou de conditionnement de médicaments
Assainir l’eau : les STEP
Les STEP ont été conçues à l’origine pour traiter et limiter les quantités de macro-polluants comme les phosphates et l’ammoniaque, et diminuer les rejets de matières organiques dans le milieu naturel. Les stations d’épuration ne sont pas en mesure d’éliminer la totalité des micro-polluants comme les médicaments, les pesticides, les PCB, etc. La réglementation française n’impose pas à ce jour la recherche des substances chimiques dans l’eau des boues des STEP. Aujourd’hui, cette contamination est connue, mais ne fait pas l’objet d’une réglementation particulière, malgré la proposition de la Commission européenne d’inscrire des médicaments parmi la cinquantaine de substances prioritaires à surveiller dans les eaux des États membres. Dans les faits, les États continuent d’opposer des incertitudes scientifiques. En France, un rapport de l’ ANSES de février 2013 conclut à des risques négligeables, alors qu’il n’a été étudié que deux médicaments sur les cent soixante substances retrouvées dans l’eau. Ainsi, les critères de potabilité actuels sont obsolètes. Les analyses bactériologiques ne suffisent plus, les méthodes d’analyses sont inadéquates.Éléments de législation de l’eau
L’Union européen impose une législation supranationale sur l’eau française, par le biais de directives-cadres. La France parachève cette législation avec ses propres lois sur l’eau, désormais à l’initiative du ministère de l’Ecologie et du développement durableBassins hydrographiques français
Le territoire français métropolitain est scindé en six différents bassins hydrographiques. Chaque bassin est encadré par un Schéma directeur de l’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE), et géré par trois instances complémentaires :- le comité de bassin hydrographique, de cent membres, élaborant et votant le SDAGE ;
- le préfet coordonnateur de bassin hydrographique qui approuve le SDAGE, arrête le programme de mesures et de surveillance de l’état des eaux ;
- l’Agence de l’eau, organisme financeur prélevant des redevances, qui établit un programme d’intervention sur six ans et contribue à la production de données qualitatives sur l’eau. Les Agences de l’eau sont elles mêmes régionalisées :
- l’Agence de l’eau d’Artois-Picardie ;ù§
- l’Agence de l’eau de Seine-Normandie ;
- l’Agence de l’eau du Rhin-Meuse ;
- l’Agence de l’eau de Loire-Bretagne ;
- l’Agence de l’eau de l’Adour-Garonne ;
- l’Agence de l’eau du Rhône-Méditerranée-Corse